Deux bénévoles d’un collectif nous partagent ce qu’elles ont vécu depuis quelques mois pour accompagner une famille de réfugiés, lui trouver un logement et chercher un financement.
Comment avez-vous été « embarquées » dans cette aventure ?
Membres d’un collectif RESF de Grenoble, nous avons été alertées sur la situation d’une famille mise en grande difficulté par son obligation de quitter le CADA (Centre d’accueil de demandeur d’asile) et dont les 3 enfants étaient à l’école du quartier. Une mobilisation a d’abord été organisée auprès du 115 ; la sollicitation du 115 s’est conclue par un hébergement à l’hôtel.
Pourquoi rechercher un logement ?
Parce qu’à l’hôtel les conditions de vie et d’hygiène n’étaient pas compatibles avec le traitement préconisé par l’hôpital pour la maman atteinte d’une maladie dégénérative. C’est en raison de son état de santé qu’elle seule avait obtenu un titre de séjour, son mari ayant été débouté.
RESF est connu pour ses plaidoyers pour le respect des droits fondamentaux, pour les collectifs actifs autour des écoles mais guère sur les questions de logement…
Oui, c’est un débat et nous l’avons au sein de notre collectif RESF. La question du logement c’est très lourd et compliqué. Mais pour qu’une famille avance dans ses démarches, pour trouver du travail il faut vraiment un logement et puis… c’est trop dur de voir ces familles dehors… Dans le cas de cette famille que nous suivons c’était fondamental : l’hôpital ne voulait pas commencer un traitement si les conditions d’hygiène n’étaient pas réunies.
Vous avez dû trouver un financement…
C’est pour cela que nous nous retrouvons dans le dispositif LASUR d’Un Toit Pour Tous qui, plus est, nous a aidé à candidater pour un financement participatif abondé par Les Petites Pierres (le contrat avec Les Petites Pierres c’est : pour X euros fournis par des donateurs, X euros sont rajoutés par la fondation, ce dans une fourchette de temps limitée. Si à la fin de la période définie la somme totale n’est pas atteinte la fondation n’apporte rien.). Nous avons monté un projet permettant de prendre en charge la location, les charges et les fluides pendant un an. L’appartement est déjà trouvé, la famille installée et nous espérons que le financement sera assuré…
Quelle est la suite pour la famille ?
Nous essayons de voir quel type de dossier préparer pour renouveler le titre de séjour de Madame et obtenir un titre pour Monsieur. La maman avait eu un premier contrat d’insertion mais les conditions de travail étaient trop dures pour son état de santé. Le père, artisan dans la rénovation, trouvera du travail très facilement dès qu’il aura un titre de séjour. L’administration a mis cette famille dans l’impasse en n’accordant pas à Monsieur un titre de séjour pour subvenir aux besoins de sa famille et soutenir son épouse malade.
Toutes ces démarches et cet accompagnement auprès des migrants demandent beaucoup de compétences. Comment RESF s’organise ?
Dans l’Isère nous nous appuyons sur les associations spécialisées, comme l’APARDAP (Association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et de protection ), l’ADA (Aide aux demandeurs d’asile), la CIMADE (Comité inter-mouvements auprès des évacués), etc. Pour toutes les questions administratives certains bénévoles sont de véritables « agents de liaison » qui assurent la connaissance des compétences propres de ces associations et les liens à faire fonctionner.
Vous avez prévu un financement d’un an, les différentes démarches administratives prennent souvent bien plus de temps. Comment voyez-vous la suite ?
Dans le cas de cette famille, Madame a déjà un titre de séjour, ce qui n’est habituellement pas le cas pour les familles que nous accompagnons sur la question du logement. C’est un atout pour voir la situation se stabiliser plus rapidement. Et puis, dans notre collectif nous essayons de ne pas nous interdire d’agir par peur de la suite. Dès qu’un ou plusieurs bénévoles sont prêts à s’engager sur une action qui va dans l’intérêt des familles que nous accompagnons, nous l’encourageons. » Pas de règles avant qu’un problème ne se pose, pas de règles à priori ». Les stratégies à adopter sont différentes pour chaque famille car chaque cas est unique dans sa réalité de vie. Pour les familles que nous accompagnons sur la question du logement, notre objectif est de les accompagner jusqu’à l’autonomie, mais nous avançons à tâtons sans savoir à l’avance combien de temps cela va prendre.
C’est une étape importante pour vous ce projet ?
Oui, car dans le cas présent c’est la première fois que nous faisons appel au financement participatif pour loger une famille qui est hébergée en hôtel par le 115, jusque là c’était pour des familles à la rue. Double innovation : intervention dans le champ du mal-logement et cofinancement citoyens-fondation. Il y a quelques années il y avait eu une expérience de partenariat avec la ville de Grenoble pour des familles, logées dans d’anciens logements d’instituteurs le temps d’être prises en charge par le 115. Mais cela s’était révélé très lourd à porter. Au bout de quelques mois des familles n’ayant aucune proposition du 115 se sont retrouvées “bloquées” dans ces appartements. Le CCAS a fini par prendre en charge l’ensemble.
Quel est le fondement de votre statut de collectif ?
C’est un statut qui nous laisse beaucoup de souplesse et de liberté, de « coller » à la réalité. Tel l’écoulement de l’eau sur le terrain, nous suivons toutes les lignes de faiblesse, les creux ; nous pouvons adapter notre action à chaque cas concret tout en alimentant le plaidoyer d’RESF sur toutes les failles, les non-sens, les scandales et les atteintes au droits fondamentaux. Du coup nous sommes amenés à créer des liens avec des associations spécialisées comme celles que nous avons déjà citées et comme Un Toit Pour Tous. Je dirai plutôt que c’est un non statut, qui permet d’avoir une gouvernance souple évoluant au fil du temps avec ceux qui composent le collectif.
La campagne de dons est toujours en cours, il est possible de participer à ce beau projet ! Plus d’informations ici.