C’est un échange très riche que nous avons eu avec Annie Bachelier, responsable du pôle social à Un Toit Pour Tous quand nous sommes venus l’interroger sur la prise en compte de la question de l’emploi dans l’accompagnement des ménages.
Un préalable : l’accompagnement vers et dans le logement à Un Toit Pour Tous
D’emblée, le cadre est mis : l’accompagnement des personnes est global. « Nous appréhendons les personnes dans un parcours de vie. Le logement n’est pas une fin en soi mais une étape dans une trajectoire de vie ». Et dans cette trajectoire « nous abordons différentes thématiques dont l’emploi ».
Les différents dispositifs qui financent ces accompagnements « stipulent que nous intervenons spécifiquement sur le logement » mais sous des angles différents et une finalité particulière en fonction des caractéristiques de la personne à accompagner (jeune, étranger, sans domicile fixe, déjà locataire etc.), un peu comme les médecins spécialistes pour les malades. Aux travailleurs sociaux de penser l’accompagnement de la personne dans sa globalité en faisant l’inventaire des dispositifs existant pour les besoins autres que ceux concernant le logement : santé, emploi, formation, écoles, traduction, droit etc. quitte à innover là où la réponse manque.
Le cas de la recherche d’emploi
La plupart des ménages ne demandent spontanément rien : soit ils travaillent déjà (environ 35% tous dispositifs logement confondus), soit ils bénéficient du RSA ou sont demandeurs d’emploi (environ 27%) et peuvent bénéficier d’un accompagnement spécifique (2), soit ils ne peuvent pas travailler.
Mais pour tous ceux qui théoriquement peuvent bénéficier d’un accompagnement spécifique « emploi extérieur » à Un Toit Pour Tous, tout n’est pas si simple et, en cours de parcours, les besoins réels pour accéder à l’emploi se font jour.
- Ce sont les conditions préalables pour suivre une formation ; par exemple la travailleuse sociale aura le souci d’aider une mère « solo » à trouver une solution pour la garde d’un enfant. Il convient de faire en sorte que la personne prenne bien conscience des difficultés qui vont se présenter.
- C’est une estime de soi fragile et l’accompagnement doit permettre de restaurer la confiance et la capacité à se valoriser ou des soins non pris en charge qui nécessitent un parcours de santé. Ce peut même, parfois, être de proposer la recherche d’un emploi à temps partiel pour que la personne se reconstruise et reprenne une activité progressive et adaptée.
- C’est la difficulté de s’orienter dans le maillage des dispositifs d’accompagnement qui émanent des différentes strates administratives (État, collectivités territoriales etc.). Les travailleurs sociaux se donnent la mission de suivre les nouveautés, d’orienter, de prendre un rendez-vous, d’accompagner éventuellement pour le premier.
Les difficultés se font jour souvent parce qu’elles se répercutent sur un autre pan de l’accompagnement logement et c’est ainsi qu’elles peuvent soit se révéler aux travailleuses sociales attentives, soit encourager la personne à demander de l’aide.
Adapter la stratégie d’accompagnement dans d’autres secteurs que l’emploi
Ici joue l’existence ou non d’un maillage suffisant pour s’appuyer sur des dispositifs spécifiques d’accompagnements. Le pôle social est attentif aux risques de « trous dans la raquette ».
Ainsi, pour la prise en compte des questions de santé le maillage d’accompagnements est insuffisant pour faire face aux besoins. Un Toit Pour Tous a donc pris les moyens de disposer en interne de trois référentes santé formées à cet effet ainsi que des formations collectives internalisées (premiers secours en santé mentale, conduites addictives, intervention sociale à domicile etc.). De plus, depuis 2 ans, l’intermédiation locative renforcée en santé permet à 15 ménages d’accéder au logement et aux soins par un suivi à Un Toit Pour Tous pour l’accompagnement social et l’équipe mobile Précarité Santé du CCAS de Grenoble pour l’accès aux soins.
Pour la question des droits des étrangers, particulièrement importante pour l’accès et le maintien pérenne dans un logement, il est fait appel, en revanche, à un professionnel : une juriste qui tient une permanence dans les locaux d’Un Toit Pour Tous, 4 après-midis par mois pour des entretiens d’une demi-heure, permanence qui a beaucoup de succès.
Pour une première approche du numérique et pour fluidifier le parcours locatif, une permanence bénévoles/salariés d’une heure et demi 2 fois par mois permet d’initier à la recherche de logement pour une mutation, également dans les locaux d’Un Toit Pour Tous.
Un accompagnement global respectueux de la liberté de la personne
Qu’il s’agisse d’accompagner une personne vers un logement dès lors qu’il en éprouve le souhait ou d’accompagner dans un logement, cet accompagnement s’adapte à la personne. Il s’agit de partir de là où elle se situe, de son propre environnement et comment elle souhaite avancer. Le travailleur social se positionne en « allié » de la personne et pas en « sachant ». Son rôle est de faire en sorte que la personne se délivre de certains conditionnements de la société et assume ses choix, même si c’est parfois le parcours du combattant.
(1) Les demandeurs d’emploi ou bénéficiaires du RSA, sont souvent orientés vers des structures comme la Mission locale ou le Plan local d’insertion (PLI) pour accéder à une formation ou un emploi. Les bénéficiaires du RSA signent un contrat réciproque avec le département, qui peut inclure des actions spécifiques, comme des stages ou des formations. Si les dispositifs existants ne suffisent pas, les bénéficiaires peuvent être encouragés à reprendre contact avec les structures dédiées, comme la Mission locale.