Depuis 2007, les familles qui n’ont pas obtenu de logement social ou un hébergement d’urgence dans des délais raisonnables peuvent engager des recours, au nom de la loi dite DALO (Droit d’accès au logement opposable) ou DAHO (Droit d’accès à l’hébergement opposable), pour obtenir gain de cause.
Un Toit pour Tous accompagne les ménages dans leurs démarches et participe au Comité de suivi formé en 2008 pour évaluer la bonne application de cette loi en Isère.
Dans le département, entre 2008 et 2022, plus de 5700 personnes ou familles ont été jugées prioritaires pour un logement ou un hébergement grâce à cette loi mais les décisions ne sont pas toujours suivies d’effets. Et on estime à 90%, le taux de personnes qui pourraient avoir recours aux dispositifs DALO ou DAHO et qui ne le font pas par méconnaissance ou démotivation, au vu de la complexité et de la longueur des procédures.
Le Droit au logement opposable, une avancée sociale majeure
La Loi du 5 mars 2007 permet aux personnes sans logement, ou vivant dans un lieu insalubre, ou inadapté à la composition de leur foyer, de faire valoir leur droit à un habitat décent et indépendant.
La Loi DALO/DAHO permet aussi aux sans abris d’obtenir un hébergement d’urgence, sans condition, si ce n’est d’avoir récemment fait appel au 115, le numéro d’urgence pour les personnes à la rue.
Entre 2008 et 2022 en Isère, selon le comité de suivi mis en place pour veiller à la bonne application de la loi, 4422 personnes ou familles ont été reconnues prioritaires pour un logement social et 1325 pour un hébergement d’urgence.
Au fil des ans, les procédures DALO engagées pour obtenir un logement sont devenues moins nombreuses (- 12.4% en 2022 par rapport à 2021) alors que les procédures DAHO en vue d’une place en hébergement d’urgence sont en constante augmentation.
La Loi DALO/DAHO, mode d’emploi
Concrètement, si une famille attend un logement social depuis trop longtemps (plus de 25 mois dans les agglomérations iséroises, plus de 13 mois ailleurs), elle peut former un recours devant la CoMed, la Commission de médiation composée de représentants de l’État, d’élus locaux, de bailleurs sociaux, de responsables de structures d’hébergement et d’insertion, d’associations.. En cas de décision favorable, le Préfet a 6 mois pour lui proposer un logement, soit dans le parc social qu’il gère, soit dans les 25% de logements que les bailleurs sociaux doivent réserver à ce public prioritaire, depuis la loi Égalité et Citoyenneté de 2017.
Autre volet de la loi, si une personne dort dans la rue, dans un squat, un bidonville, si elle vient d’être expulsée, et qu’elle ne trouve pas d’hébergement d’urgence, elle peut aussi faire un recours devant cette même CoMed, avec des délais plus courts (6 semaines pour la décision, 6 semaines pour avoir une place en cas de réponse favorable).
S’il y a refus, la Loi permet aux ménages de saisir le Tribunal administratif (puis le Conseil d’État en cas d’appel) pour contester la décision, pour la faire appliquer si elle leur est favorable, ou pour demander des indemnités quand l’État est défaillant.
Pour réussir, être accompagné
Sans aide, il sera difficile de formuler un recours, surtout si l’on maîtrise mal le langage administratif, car il faut remplir un formulaire de 7 pages et y ajouter de nombreuses pièces justificatives tout en respectant des délais précis.
Un Toit pour Tous propose des permanences pour guider les familles dans leurs démarches, et les orienter, éventuellement, vers l’Équipe Juridique Mobile de la Ville de Grenoble pour les actions en justice. Être accompagné peut éviter qu’une décision favorable à une famille reste lettre morte à cause du manque de coordination entre les différents acteurs.
Des décisions qui ne sont pas forcément appliquées
En 2022 en Isère, 58% des recours DALO (pour un logement social) ont été suivis d’une réponse favorable. Mais la moitié seulement des ménages ont été finalement logés à l’issue de la procédure, en raison notamment du refus de certaines familles quand les logements proposés sont trop éloignés du lieu de travail ou de scolarisation, ou inadaptés (à une personne en situation de handicap, par exemple).. En Isère, le taux de refus (17%) est très supérieur au taux national (5% en 2020).
Pour ce qui est des recours DAHO, 61% des personnes qui ont engagé un recours (pour un hébergement d’urgence) ont obtenu gain de cause en 2022 en Isère. Mais là encore, seules 17% bénéficieront vraiment d’un hébergement à cause de structures saturées ou d’offres inappropriées.
Un parc de logements sociaux réservés suffisant …
Le nombre de logements attribués aux ménages suite à un recours DALO est très en-deçà des possibilités existantes en Isère : près de 37 000 logements sont réservés aux familles prioritaires dans le département, soit presque 40 % des 93 000 logements sociaux. Compte tenu des départs et arrivées, cela représente environ 3 500 logements disponibles en 2022.
Or 395 bénéficiaires ont été relogés cette même année, ce qui représente 11,8 % de ce parc réservé. Les logements mobilisables pour les ménages reconnus prioritaires au titre de la Loi sont donc largement suffisants.
…mais un accueil d’urgence saturé
Pour ce qui est de l’hébergement d’urgence, le nombre de places disponibles a beaucoup augmenté ces dernières années (2132 en hébergement d’insertion, 1031 en foyers de jeunes travailleurs et 1620 en hébergement d’urgence, auxquelles s’ajoutent les 2207 places réservées aux demandeurs d’asile). Mais les besoins se sont accrus encore plus vite, et l’offre est finalement insuffisante.
En 2022, 4 087 ménages distincts ont sollicité le 115 pour un hébergement d’urgence. Et parmi elles, seulement 13 % ont pu être orientés sur une place. De même, 3 614 ménages ont fait une première demande d’asile, ce qui est supérieur aux capacités d’accueil.
Les personnes jugées prioritaires par la CoMed se voient donc inscrites sur une liste d’attente déjà très longue. 66 ménages seulement ont pu être hébergés en 2022 sur les 364 recours déposés (environ 17%) et pas forcément dans les délais prévus par la loi.
Les pistes pour une meilleure application de la loi
-augmenter le nombre de places en hébergement d’urgence mais aussi en hébergement d’insertion pour tous les types de public pour désengorger le système
-faire en sorte que le principe d’accueil inconditionnel des personnes en difficulté inclus dans la loi soit respecté par la CoMed en sensibilisant les associations qui y siègent
-alerter sur les effets de la Loi Immigration Intégration votée en décembre 2023 sur le droit au logement quand ses critères sont plus restrictifs pour les étrangers en situation régulière ou irrégulière.