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La crise du logement aggrave la situation des plus précaires. La volonté d’agir !

Le 1er février, en même temps que la présentation du rapport de l’État du mal-logement par la Fondation Abbé Pierre à Paris, Un Toit Pour Tous réunissait 154 personnes à Grenoble pour ses 4èmes Rencontres sur le thème « Une crise du logement qui s’aggrave, quel impact pour les plus démunis, quelles marges de manœuvre locales ? ».

Précédée de 3 webinaires hebdomadaires consacrés à l’analyse approfondie de la crise en cours et des expérimentations envisageables et/ou réalisées au niveau local, cette riche et dense matinée de rencontres a bénéficié de l’apport constructif des représentants des bailleurs sociaux et du monde associatif.

L’invité du jour, Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne, très investi sur ces questions, a enrichi de sa propre expérience multiforme les débats de la table ronde et de l’assemblée. Sont également intervenus Christophe Ferrari, président de Grenoble-Alpes-Métropole ; Alyne Motte, vice-présidente du Pays voironnais à l’habitat et au logement d’urgence, et Cyrielle Chatelain, députée de la 2ème circonscription de l’Isère.

 

Une crise du logement qui s’aggrave, en Isère comme ailleurs en France, caractérisée par un écart croissant entre l’offre et les besoins          

 

Pour l’hébergement d’urgence, malgré l’augmentation des places créées (13% d’orientations réalisées par le 115 sur les 4 000 demandes), à cause en particulier du maintien des ménages ne pouvant accéder à un logement social (13 mois et plus en moyenne pour 50% des sortants en 2022).

 

Pour le logement social une offre en berne qui se cumule d’une année à l’autre en particulier à cause des freins tant pour la construction que pour la réhabilitation par la politique gouvernementale (1/4 des 35 000 demandes honorées, 1500 logements livrés en 2023, mais seulement 1000 financés pour l’avenir) et l’augmentation de la pauvreté de ménages de plus en plus sous les plafonds PLAI*. À cela s’ajoute la non-adéquation des tailles de logements à la demande.

 

Pour les plus précaires, des réponses grâce à la politique du Logement d’abord mais insuffisantes

 

  • L’intermédiation locative qui permet de passer directement de la rue à un logement (1), avec un accompagnement de 18 mois en moyenne, est liée, donc contrainte, à la capacité de trouver des logements à louer dans le parc privé.

 

  • La création de pensions de famille, véritables lieux de vie pérennes pour les personnes ayant connu des parcours de vie chaotiques, se heurte à la difficulté de trouver du foncier abordable et de faire face aux réticences sociales.

 

  • Les logements financés grâce aux Prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI et PLAI adaptés) de la Caisse des dépôts offrent des loyers moitié moins chers que le marché (2) mais leur nombre limité (dans l’agglomération grenobloise par exemple, seulement 25% des logements sociaux) est loin de couvrir les besoins des 70% de la population éligible (3).

 

Le « talon d’Achille » du fonctionnement de ces dispositifs est la capacité à financer l’accompagnement social complexe et global pour réparer des parcours de vie chaotiques et douloureux. Le monde associatif, pilier de cette prise en charge, est de plus en plus percuté par le système d’appels à projet introduisant une concurrence contraignante et néfaste. Les expérimentations sont nombreuses et positives, mais il n’y a pas toujours les moyens de les pérenniser.

 

Pour progresser sur l’offre de logements au niveau local, des outils à exploiter

 

L’Organisme foncier solidaire (OFS), issu de la loi ALUR, acquiert du foncier (construit ou non) avec des prêts de longue durée de la Caisse des dépôts et le loue à un opérateur pour y produire du logement social. Les ménages peuvent alors bénéficier d’un Bail réel solidaire (BRS) avec une redevance qui ne prend donc en charge que les frais de réhabilitation ou de construction. La cinquantaine opérations déjà réalisées montrent que les prix pour les ménages sont divisés par 2. Une occasion pour les communes de s’impliquer : Crolles, par exemple a fourni le foncier et la garantie d’emprunt.

 

Financé par un impôt spécifique (taxe spéciale d’équipement), lÉtablissement public foncier local joue un rôle important dans le montage d’opérations foncières pour développer du logement. Il acquiert et revend directement sans peser sur les finances des collectivités locales tout en gardant certains biens quelques années dans l’attente d’un projet. C’est ainsi que des logements sont confiés à Un Toit Pour Tous avec un bail à réhabilitation pour être remis en état et loués en PLAI par son agence immobilière à vocation sociale. La production de logements sociaux pourrait être un axe largement renforcé de la stratégie de l’EPFL.

 

Le Plan local de l’habitat est un outil essentiel pour la stratégie locale à moyen terme. Le Pays voironnais qui prépare le sien pour 2025-2031 a actuellement un niveau soutenu de logements sociaux, une chaine de l’hébergement correct avec des pensions de famille mais, souligne Alyne Motte, doit tenir compte à l’avenir de nouvelles contraintes : demandes de logements à la hausse, enjeux énergétiques, foncier plus cher, entre autres.

 

Une implication insuffisante de l’État face à la crise du logement et de l’hébergement

 

Ce sont les collectivités locales, le monde associatif, ainsi que les citoyens à titre individuel ou en regroupés collectifs qui se retrouvent en première ligne pour « mobiliser tous les leviers possibles », expression de Cédric Van Styvendael qui a insisté sur la nécessité de trouver des « alliés » et de se placer sur le registre de la conviction. Très déçu du manque de prise en compte gouvernementale du travail fait par le Conseil national de la refondation en matière de logement, il prône la mise en place à l’échelon local des mesures concrètes qui n’ont pas été retenues. Considérant lui aussi que le CNR a « tout indiqué », Christophe Ferrari soutient les maires « constructeurs », pense qu’il faut « aligner l’ensemble des acteurs » et faire preuve de « volonté politique ».

 

Une mobilisation citoyenne à renforcer ?

 

La crise du logement et de l’hébergement est ponctuellement perçue par les habitants de l’Isère. Pourtant, chaque projet de construction de logements (particulièrement sociaux) fait l’objet de contestation et de recours. Cédric Van Styvendael nous a invités à élargir nos actions de sensibilisation au-delà de notre public habituel….. Vers des conventions citoyennes sur le logement ?

 

* Prêts locatifs aidés d’intégration

1 : soit avec un bail direct, soit en sous-location

2 : 5,34€/m2

3 : les besoins portent aussi surtout sur les petits logements, plus chers au m2

 

Consulter la page des 4e Rencontres d’Un Toit Pour Tous pour en savoir plus