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L’hospitalité : secourir, accueillir, appartenir

64 familles réfugiées (62 syriennes, 2 soudanaises), soit 326 personnes sont venues à la faveur d’un programme de réinstallation européen reprendre racines dans l’Isère.

Contraintes par la guerre, elles ont eu à découvrir un autre pays, une autre culture, une autre langue, elles ont appris à vivre ici, certains jeunes se sont mariés, des enfants sont nés sur notre sol, un jeune nous a quitté… c’est la vie qui se construit ici avec ses apprentissages, ses difficultés, ses joies et ses peines.

Nous, salariés, bénévoles, interprètes, partenaires qui les avons accompagnés, et, pour certains, les accompagnons encore, avons appris à connaître à leurs côtés une autre culture, avons tissé des liens, avons été enrichis, avons aussi souffert parfois, mais avons essayé de vivre l’hospitalité : secourir, accueillir, appartenir (« 3 verbes qui en forme l’esprit, le corps », selon le philosophe Guillaume Le Blanc, intervenu lors d’un événement).

 

Secourir  : « Le secours répond à un besoin humanitaire »

En participant à un programme de réinstallation de réfugiés piloté en France par les délégations interministérielles à l’accueil et à l’intégration des réfugiés, d’une part, à l’hébergement et à l’accès au logement d’autre part, LAMI (Logement d’attente pour migrants en Isère) a décliné la mission d’hospitalité que s’était donnée l’Europe envers les familles syriennes parties de leur pays en guerre et réfugiées au Liban et en Turquie.

C’est fin 2016 que commence l’aventure. Un petit groupe « planche » sur la question. Le programme est tracé : à la suite du « secourir » il s’agit d‘ »accueillir » puis de créer les conditions de leur intégration pour permettre aux familles réfugiées d’appartenir à une communauté.

Territoires AIVS® a les compétences pour trouver des logements, pour gérer et accompagner les familles et a fait appel aux bénévoles qui vont assurer pendant la durée de la mission d’accueil de chaque famille (1 an), et bien au-delà pour une grande majorité, cette mission d’intégration.

C’est fin 2016 qu’Un Toit Pour Tous publie sa feuille de route qui guidera l’action.

 

Accueillir  :  » l’accueil est plus politique… l’hospitalité, c’est une affaire de création de lieux, c’est une affaire d’institution. »

La recherche de logements et leur équipement est le tout premier souci : chaque logement trouvé permet l’arrivée d’une famille. Au cours des 3 ans de la durée du contrat 63 logements seront trouvés au sein du parc d’Un Toit Pour Tous – Développement, auprès des bailleurs sociaux, auprès de propriétaires privés.

Le pilotage du projet, l’acquisition du statut (réfugié ou bénéficiaire de la protection subsidiaire), l’acquisition des droits (Sécurité sociale, allocations familiales et…), la mise en route du parcours santé, écoles etc. sont assurés par les salariés de Territoires AIVS®. Il s’agit d’un accompagnement global pour favoriser l’autonomie de chaque famille qui a sa référente sociale et, en général, une personne bénévole d’un Toit Pour Tous en lien étroit. L’événement, organisé par Un Toit Pour Tous le 1er octobre 2019, a permis de prendre la mesure de cette mission de Territoires et le film qui l’accompagne est très révélateur de son ampleur.

Pour réaliser sa mission Un Toit Pour Tous a mis en place un véritable maillage de collaborations et conventions institutionnelles locales pour assurer un environnement complet et rassurant pour les familles : Caisse d’allocations familiales, Allocations familiales, Caisse primaire d’assurance maladie, Permanence d’accès aux soins de santé de l’hôpital, association AGECSA pour l’accès aux centres de santé, Le Caméléon pour le suivi psychologique des exilés, Médecins du monde, Solident, Centre départemental de santé, TAG (transports en commune de l’agglomération de Grenoble) pour l’accès à la tarification solidaire, Emmaüs-connect, Inspection académique, écoles, enseignants du réseau UPC2A (classes pour primo-arrivants), ALPES pour un premier apprentissage de français dès l’arrivée, les services et associations des villes d’installation, Grenoble Alpes métropole etc… et, bien sûr, la préfecture, l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration).

 

Appartenir  : « il nous faut imaginer une valeur au-delà de l’hospitalité et cette valeur… c’est celle de l’appartenance… appartenir à une société ».

La recherche de bénévoles, comme celle des logements précède l’arrivée des familles. Plus d’une centaine de bénévoles bénévoles sont venus d’horizons différents, touchés par le drame syrien et mobilisés par la communication d’Un Toit Pour Tous, mais aussi le bouche à oreille, les réseaux, France-Bénévolat. Ces bénévoles ont accompagné les familles dans la découverte de leur quartier, des transports en commun, des services et maisons de quartier, de l’école, puis au fur et à mesure se sont adapté à leurs demandes. Petit à petit se sont créés, en parallèle, des groupes spécialisés : tout d’abord pour la santé, point crucial, puis le français, le soutien scolaire, l’aide à l’aménagement, l’emploi. Des collectifs se sont constitués, assurant une intégration encore plus forte qui dure. Des liens se sont créés. Et, cerise sur le gâteau, certain.e.s syrien.e.s sont devenu.e.s « bénévoles-pairs » !

Ça n’a pas toujours été facile pour chaque bénévole de faire face à la différence de langue et de culture, de se situer à la bonne distance avec la famille, d’être parfois très/trop accaparé, d’avoir trop de difficultés. Il n’a pas toujours été facile de faire face à un afflux de bénévoles à accueillir, à orienter, à mettre en relation, à conseiller.

Mais… les rencontres avec les référentes sociales, des rencontres hebdomadaires et l’appui d’une spécialiste de la relation ont été à l’origine de co-formation. Les bénévoles ont pu déployer leur choix de l’hospitalité, libérés des parcours administratifs lourds et des recherches d’appartement. Et, in fine, c’est une formidable synergie qui s’est mise en place entre le pôle social et le pôle animation d’Un Toit pour Tous, entre les bénévoles et les référentes sociales, synergie au grand bénéfice des familles.

Des rencontres avec les familles, des spectacles grâce aux partenaires d’Un Toit Pour Tous ont été organisés. Des familles ont pu profiter de séjours en montagne grâce à des bénévoles et à un collectif d’habitants pour l’accueil en « vacances ».

Un événement a lieu le 1er octobre 2019 pour l’ensemble des familles, salariés, bénévoles et partenaires d’UTPT, avec la participation des représentants de l’Etat (Direction Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement)  et de la Métro.

Tout ceci a été malheureusement interrompu par le COVID-19 ce qui n’empêche pas les bénévoles de continuer leur action.

Et après…

L’accompagnement des dernières familles par les salariés d’Un Toit Pour Tous s’est terminé en mars 2021. Mais des bénévoles ont continué à entretenir des relations avec les familles, des liens d’amitié se sont créés.

Pour les familles, après le bouleversement et l’installation, c’est la vie qui se poursuit avec ses joies et ses peines, ses victoires, ses difficultés. Il s’est passé tant de choses !

Quelques mots de conclusion

À l’issue de ce programme LAMI , un peu plus long que prévu, à la suite des contretemps et difficultés de tous ordres inhérentes à ce transfert compliqué de familles depuis les camps de réfugiés du Moyen Orient jusqu’à chez nous, voici ce que nous pouvons retenir :

  • Oui nous avons su accueillir 62 familles syriennes et 2 familles africaines
  • Oui nous avons déployé le maximum de conditions favorables pour que ces familles soient insérées et se sentent appartenir à leur nouvel environnement de vie
  • Oui ce programme a nécessité, pour être mené à son terme, de l’énergie, de l’innovation et surtout de la solidarité. Il y en a eu chez les salariés, les bénévoles et beaucoup de contributeurs qui ne s’y attendaient pas au départ
  • Notre association Un Toit Pour Tous est heureuse et fière de cette réalisation et des liens qui ont pu se nouer et qui, pour certains, perdurent
  • Aujourd’hui, UTPT a clos ce chapitre. Les salariés se sont vus attribuer de nouvelles missions. Les familles se sont intégrées dans les dispositifs de droit commun et ne bénéficient plus de l’accompagnement spécifique dont elles pouvaient avoir besoin à leur arrivée en France.

 

Quelques regrets bien sûr : en premier lieu la déception de ne pas avoir été reconduits pour un second programme puisque les besoins demeurent immenses et que nous aurions pu mettre à profit toute l’expérience acquise.

Et puis aussi notre grande tristesse en constatant la situation catastrophique actuellement en Syrie, pays dévasté ; cette situation très douloureuse pour nos amis syriens que nous avons aidés à s’installer en France, mais qui rêvent, bien sûr, de revoir un jour leur pays et ceux qui y sont restés.