Depuis le lancement de la politique du logement d’abord, dont l’objectif est de permettre l’accès au logement de ménages sans domicile personnel sans passer par toutes les différentes formes d’hébergement, l’intermédiation locative (IML) a pris beaucoup d’importance en créant une capacité d’accueil dans le parc existant, sous la forme de sous location avec ou sans bail glissant, ou de location directe par signature d’un bail (Un Toit Pour Tous gérant le logement dans le cadre d’un mandat de gestion).
La baisse inquiétante de la construction neuve ces dernières années, tout spécialement en 2023 (- 30%) la rend d’autant plus indispensable pour permettre l’accès direct à un logement de ménages en grande difficulté – mais ne pourra pas pallier l’absence préjudiciable d’une offre nouvelle de logements locatifs très sociaux. Le deuxième plan de logement en cours ne donne malheureusement plus d’objectif en la matière et se concentre uniquement sur l’intermédiation locative.
Un Toit Pour Tous s’est engagée dans ce dispositif – qui complète sa production de logements pour les plus démunis qu’elle souhaite par ailleurs amplifier – en créant une offre adaptée à des personnes loin du logement, sans domicile personnel pour la plupart.
Un entretien avec Annie Bachelier, responsable du pôle social à Un Toit Pour Tous, a permis de souligner les principaux traits de l’action de l’association en la matière.
Le choix d’un logement pérenne
Pour respecter la logique du logement d’abord, Un Toit Pour Tous a fait le choix délibéré de l’IML, soit en bail glissant, soit en bail direct, car elle permet le maintien dans le logement à l’issue du dispositif – au contraire de la sous-location qui implique, pour les ménages concernés, de le quitter afin qu’il puisse être proposé à un autre ménage.
Dans la première formule, Un Toit Pour Tous sous loue au ménage qui devient locataire dès qu’il se trouve en capacité d’assumer le statut de locataire, dans la seconde, le ménage est titulaire du bail et Un Toit Pour Tous gère le logement pour le compte du propriétaire. Pendant une période de référence de 18 mois, l’occupation du logement est liée à un accompagnement social centré sur son usage.
Dans cette même logique, le financement apporté est attaché au logement, et non à la durée de l’accompagnement des ménages, ce qui permet une grande souplesse. Il s’agit d’un forfait de 5 500 € pour le bail glissant et de 3 200 € pour le mandat de gestion, couvrant la recherche du logement, le différentiel de loyer en cas de bail glissant, la vacance et les impayés éventuels, l’accompagnement social…
Actuellement, 37 logements ont été mobilisés dont 17 en bail glissant, 15 dans le parc public, 21 dans le parc privé. Ce sont pour l’essentiel des T3, qui déterminent la taille des ménages pouvant être accueillis.
Pour assurer les missions liées à l’IML, sur les 10 travailleurs sociaux de l’équipe du pôle logement, 6 sont impliqués dans le dispositif (soit environ 2 équivalents temps plein), pour permettre souplesse et polyvalence.
Une durée d’accompagnement adaptée
Tous les ménages logés au titre de l’IML sont orientés par le SIAO (Service intégré d’accueil et d’orientation), tous étaient dépourvus de logement personnel, sortent de l’hébergement, ou étaient logés chez des tiers, etc…
En principe, l’accompagnement social du ménage dure 18 mois, mais il peut se poursuivre au-delà tant que le ménage en a besoin, ce qui donne une grande souplesse et une efficacité certaine à l’action des travailleurs sociaux.
À l’issue de cette période (plus longue ou plus courte selon les cas), dès qu’ils sont en capacité d’assumer leurs obligations, les locataires basculent sur un statut « normal » ; ils deviennent titulaires du bail dans le cas du bail glissant. L’équipe sociale d’Un Toit Pour Tous assure alors auprès de tous ces ménages une veille et se tient à disposition en cas de besoin.
La plupart des ménages sortent favorablement de cette période d’accompagnement.
Reflet de la grande précarité des ménages concernés, le taux d’impayés est plus important que celui des ménages accueillis en Gestion Locative Adaptée (GLA) dans le parc géré par Un Toit Pour Tous, soit 20 % par rapport à 6 %. De plus, beaucoup éprouvent des difficultés à faire face au paiement de leur facture d’énergie.
Trouver des logements
Le choix du logement pérenne implique de trouver de nouveaux logements pour accroître le parc « dédié » à l’IML.
Comme l’intermédiation locative est privilégiée, les financements sont disponibles au niveau local comme au niveau national et peuvent permettre de développer l’offre en IML.
D’ores et déjà, au niveau local, Un Toit Pour Tous a encore de la marge avec les conventions qui la lient avec l’État (DDETS, Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités) : 17 logements pour 21 en objectif, et avec la métropole de Grenoble, 20 pour 25.
Encore faut-il trouver des logements supplémentaires (pour l’IML et pour notre action courante de gestion de logements privés et de production de PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration)), c’est ce à quoi s’efforce la salariée d’Un Toit Pour Tous en charge de la captation qui recherche activement des propriétaires décidés à s’engager dans un dispositif de location solidaire.
À cet égard, il est par ailleurs vraisemblable que la mise en œuvre de l’interdiction de louer les logements les plus énergivores permette de trouver des logements dont Un Toit Pour Tous a besoin, après réhabilitation, pour amplifier son offre en direction des plus démunis.
Un Toit Pour Tous souhaite développer son action en matière d’IML – dans laquelle elle s’est investie fortement – car ce dispositif se révèle efficace et d’une souplesse adaptée aux ménages qui sont les plus éloignés du logement personnel.
Développer mais aussi expérimenter. Un Toit Pour Tous plaide pour étendre le dispositif en direction des ménages en « situation administrative complexe » (pour les titulaires d’un titre arrivant à échéance à terme de moins de trois mois) pouvant compléter ainsi ce qu’elle fait par ailleurs avec le dispositif LASUR (Logements d’Attente en réponse à des Situations d’URgence).
Le succès de toutes ces actions repose in fine en grande partie sur la mobilisation de propriétaires solidaires.