Vouloir œuvrer pour que toute personne puisse se loger nécessite de bien connaître la situation du mal logement et des politiques publiques engagées sur ces sujets. C’est pourquoi l’association Un Toit pour Tous a eu la bonne initiative d’organiser deux demi-journées de formation les 9 et 17 décembre 2024 destinées aux bénévoles et aux salariés de l’association. Elles étaient animées par René Ballain et Marie Guillaumin.
[1] Source : Insee, Recensement de la population, 2021. [2] Source : Ministère du logement. [3] OXFAM, Logement : inégalité à tous les étages, 2023, p. 10, disponible en ligne sur : https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2023/12/RAPPORTLOGEMENT-OXFAMFRANCE-2023-RESUME.pdf (vu le 06/01/2024). [4] Source : Insee, Filosofi, 2021. [5] Fondation Abbé Pierre, Rapport sur l’état du mal-logement en France, 2024, disponible en ligne sur : https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2024-01/REML2024.pdf (vu le 06/01/2024).
Un état des lieux alarmant : chiffres et données essentiels
En premier lieu, les animateurs ont évoqué la nécessité de bien différencier deux notions :- Le logement : habitat dans la durée avec un titre d’occupation de propriétaire (58%) ou locataire dans le parc privé (25%) ou le parc social (15%)[1]
- L’hébergement : occupation provisoire dans un cadre d’urgence (hôtel, Centre d’hébergement d’urgence, Centre d’hébergement et de réinsertion sociale, pension de famille).
Une crise de l’offre face à des besoins croissants :
Le nombre de places en hébergement stagne malgré des besoins largement supérieurs à l’offre. En parallèle, la production de logements chute d’une manière générale mais aussi de logements sociaux. En 2005, selon le ministère du logement, il y avait environ 500 000 logements mis en chantiers et en 2023, moins de 300 000. En 2010, il y avait 130 000 logements sociaux financés et 82 000 en 2023[2]. Or, la population augmente régulièrement avec un nombre de personnes par logement en baisse (phénomène lié au vieillissement de la population et à l’évolution des modes de vie : augmentation de la monoparentalité, décohabitation d’enfants devenus adultes etc.), ce qui a pour conséquence de creuser le déficit de logements disponibles.Les constats :
- Le prix de l’immobilier s’est accru de 125,6% entre 2001 et 2020, alors que dans le même temps les loyers ont augmenté en moyenne de 36,5%[3].
- La pauvreté progresse (14,9% de la population) et plus fortement pour les locataires (29,1%)[4].
- 330 000 personnes sont sans domicile en France en 2023[5] pour 197 347 places en hébergement.
Le mal logement : une notion fondamentale pour rendre compte de la réalité
Rendre compte des difficultés concrètes des ménages pour se loger et de la crise générale du logement est indispensable. C’est pourquoi, depuis 30 ans, la fondation Abbé Pierre publie début février un rapport annuel sur le mal logement en France. Un tel document est aussi publié régulièrement au niveau européen : 9ème regard sur le mal logement de la Fondation Abbé Pierre (FAP) et de la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abris (FEANTSA).Une définition qui a évolué selon le contexte :
Si, dans les années 1950, le mal logement était d’abord le problème des sans abri, ensuite s’est ajoutée la prise en compte de la dégradation des habitations. Aujourd’hui, se cumulent les problèmes de l’accès au logement, du maintien dans celui-ci et de sa qualité. Que ce soient pour les logements sociaux (5 demandes pour 1 attribution) ou pour les hébergements (8 demandes pour 1 orientation), les demandes sont fortement inférieures à l’offre. On constate une forte hausse des besoins alors que les offres de logements sont en baisse et une plus faible mobilité dans le parc locatif social.Trop de logements indignes et inadaptés aux besoins
Le problème de la qualité des logements se pose avec, entre autres, celui des passoires ou des bouilloires thermiques. En 2023, 26% des ménages déclarent avoir froid dans leur logement et 1 875 000 personnes vivent dans des logements privés de confort. Actuellement, dans la société, il existe une différence entre les familles qui peuvent choisir un logement correspondant à leurs besoins et ceux qui sont obligés de rester dans un logement inadapté et indécent.Évolution des politiques publiques : entre promesses et contradictions
Il est rappelé quelques grandes étapes sur l’évolution des politiques publiques :- En matière de logement, elles se mettent en place en 1850 dans le cadre d’une action pour la salubrité publique.
- Ensuite, il a été nécessaire de favoriser la construction de logement pour les ouvriers des industries.
- Après la création des HLM, les pouvoirs publics ont dû faire face aux besoins de logements dignes pour le plus grand nombre.
- Après la Seconde Guerre mondiale, il a fallu reconstruire de nombreux logements détruits puis faire face à la nécessité de trouver un toit pour tous.
- Dans les années 1970, la notion de mal logement est apparue avec la nécessité de logements nombreux et de bonnes qualités. L’État s’oriente davantage vers une politique sociale du logement et moins sur un soutien quantitatif.
De nouvelles lois qui montrent leurs limites
- Dans les années 1990, le manque d’offre par rapport à la demande croissante conduit à la loi Besson en faveur du logement des populations défavorisées.
- La Loi SRU vise à promouvoir la mixité sociale et intervient en matière d’urbanisme pour inciter aux logements sociaux.
- Mais les résultats insuffisants conduisent à la création d’un Droit au logement ppposable.
Des politiques contradictoires de l’État
Malgré l’existence de nombreux outils au niveau national et local pour lutter contre le mal-logement, l’État mène des politiques contradictoires :- Il affirme avoir conscience du problème mais ponctionne le budget des HLM ;
- Il a été décidé la baisse des Aides personnalisées au logement en 2021 ;
- Il y a aussi des tentatives de dénaturer les effets de la Loi SRU.
Des outils nombreux mais insuffisants
Pour gérer cette pénurie d’hébergements et de logement, plusieurs outils existent au niveau national et local : le Droit au logement opposable (DALO) et le Droit à l’hébergement opposable (DAHO), le programme « Logement d’abord », le Plan d’action pour l’accès au logement et à l’hébergement des personnes défavorisées en Isère, le Plan local pour l’habitat et la conférence intercommunale pour le logement. Tous ces outils et mesures ont pour objectif d’analyser les besoins et de coordonner les actions en faveur des publics les plus prioritaires. En 2023, plus de 2,6 millions de ménages étaient en attente d’un logement social. Sachant le faible taux de rotation des logements sociaux (7,5% par an) et la chute des constructions, la crise du logement social est d’autant plus forte.Quelle conclusion ?
En définitive, améliorer la situation des mal-logés requiert une volonté politique forte, accompagnée d’investissements à la hauteur des besoins. Ces demi-journées de formation ont démontré qu’une meilleure connaissance des enjeux est une condition indispensable pour transformer les constats en actions concrètes. Il faudrait que les responsables de l’État aient suivi ces deux demi-journées de formation afin de se rappeler de l’ampleur du problème et qu’ils se donnent les moyens pour améliorer la situation des mal-logés…[1] Source : Insee, Recensement de la population, 2021. [2] Source : Ministère du logement. [3] OXFAM, Logement : inégalité à tous les étages, 2023, p. 10, disponible en ligne sur : https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2023/12/RAPPORTLOGEMENT-OXFAMFRANCE-2023-RESUME.pdf (vu le 06/01/2024). [4] Source : Insee, Filosofi, 2021. [5] Fondation Abbé Pierre, Rapport sur l’état du mal-logement en France, 2024, disponible en ligne sur : https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2024-01/REML2024.pdf (vu le 06/01/2024).